L’ascenseur s’arrête au 24e étage de la “Freedom Tower”, au-dessus de Ground Zero. Les visiteurs, une vingtaine au total, débarquent dans une immense salle betonnée, vide, à la tuyauterie apparente. A travers la baie vitrée, une vue saisissante sur le Memorial du 11-Septembre, l’Hudson River et les gratte-ciel du sud de Manhattan s’offrent à eux. L’occasion pour l’un d’eux, Manuel Valls, en casque de chantier et chasuble jaune fluo, de se faire offrir des boutons de manchette par des représentants du Port Authority – “je les porterai en conseil des ministres“, glisse-t-il – et de refermer son séjour new-yorkais par une belle “photo-op”.
La dernière fois que M. Valls est venu à New York, il y a trois ans, il n’était “que” député-maire d’Evry. Aujourd’hui, personnalité politique préférée des Français selon le baromètre mensuel Ifop-Paris Match, star du gouvernement, il n’est plus incognito. Accompagné samedi à Ground Zero de l’Ambassadeur François Delattre, du consul général de France Bertrand Lortholary et de membres de son cabinet, il a clôturé son premier déplacement américain en tant que ministre de l’Intérieur par une séquence “émotion”. Il a deposé une gerbe au pied du “Survivant”, l’arbre qui a miraculeusement résisté à l’effondrement des tours; s’est recueilli devant les noms de deux des cinq Français morts dans les attentats; serré la main à des touristes français de passage, surpris de le croiser. “Il y a de l’émotion, confie-t-il. Le 11-Septembre a frappé nos civilisations de plein fouet“.
Admirateur du NYPD
Son déplacement à New York, laboratoire de la sécurité et de la lutte anti-terroriste, n’est pas anodin. Après avoir évoqué jeudi la question de la surveillance de certaines communications Internet par la NSA avec son homologue Janet Napolitano et le Secrétaire à la justice Eric Holder, le “premier flic de France” a parlé “police” et “menace terroriste” dans la Grosse Pomme. Vendredi, il participait à la cérémonie d’investiture des nouveaux chefs de la lutte anti-terroriste et du renseignement au sein du NYPD, la mythique police de la ville. M. Valls a profité de sa visite pour souligner, à travers un interprète, que les grandes villes comme Paris et New York faisaient face aux même défis, comme la lutte contre le traffic de drogue, le crime organisé et le terrorisme. A ses côtés, Ray Kelly, le légendaire commissaire du NYPD, décoré en 2006 de la Légion d’honneur par un certain Nicolas Sarkozy, alors locataire de la Place Beauvau. L’homme, qui avoue publiquement porter un revolver en permanence, a fait passer le NYPD du rang de simple police municipale à celui de force anti-terroriste, avec des agents à l’étranger et des opérations d’infiltrations visant à intercepter les terroristes avant le passage à l’acte. De quoi inspirer le ministre. “Je suis impressionné par ce qu’a fait New York, confie Manuel Valls, évoquant “un maillage de terrain pour faire remonter les renseignements depuis les quartiers, les districts. Nous devons nous inspirer de ce maillage, de cette fluidité de l’information. Une police moderne s’appuie sur l’humain et les réseaux sociaux“.
Pour bâtir sa “police 3.0“, Valls repartira de New York avec quelques idées. “Nous devons équiper la police française. Ils ont des moyens impressionnants à New York, estime-t-il. J’ai vu leur nouveau système de tablette, qui leur permet de suivre très concrètement l’action de la police sur le terrain, les objectifs donnés, les vols et les crimes dans un quartier… Et surtout leur système de statistiques qui leur permet d’intervenir sur les secteurs où il y a un certain nombre d’évènements, une augmentation de la délinquance, des vols. Nous le faisons déjà mais nous devons l’étendre“.
Avant de regagner la France, ses feux de forêts et ses préoccupations de sécurité routière en ces temps de départs en vacances, le ministre quitte Ground Zero en indiquant qu’il sera de retour aux Etats-Unis “à l’automne“.